On reproche parfois au pain d’apporter trop de sucres. En analysant nos pains et leur indice glycémique, nous avons voulu y voir un petit peu plus clair.
L’indice glycémique est un critère de classement des aliments contenant des glucides, basé sur leurs effets sur la glycémie (taux de glucose dans le sang – le glucose étant un sucre simple, tel que nous pouvons l’acheter dans le commerce) durant les deux heures suivant leur ingestion.
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En ce matin de décembre, une partie de l’équipe s’active au fournil aux alentours de sept heures. Alors que nous enfournons habituellement nos premiers pains vers dix heures, des pâtons sont déjà en cours de cuisson : ce sont les tests de Gilles, pétris la veille.
Pour les bactéries et les levures, aucune contre-indication au travail de nuit
Ces pains ont levé tranquillement toute la nuit à 18°C. Malgré une quantité initiale de levain très faible, les bactéries et les levures ont eu le temps de se développer jusqu’au matin. Dans notre jargon, on appelle les pains obtenus par cette méthode des pains longue fermentation avec faible ensemencement.
Alors que les pains tout juste sortis du four crépitent encore, des pâtes supplémentaires sont réalisées par Lauriane. Leur temps de pétrissage est réduit au minimum et le levain utilisé a été initié à partir de blé entier écrasé sur la meule de pierre d’un moulin par un unique passage. On lui donne le petit nom de levain de blé concassé. Ces pains sont conduits en même temps que nos pains habituels et passent au four vers midi.
Qu’avons-nous vraiment voulu savoir ?
Ces tests ont été menés par l’équipe avec une petite idée derrière la tête : nous voulons analyser l’indice glycémique de plusieurs pains.
- Qu’est-ce que l’indice glycémique ? C’est un nombre compris entre 1 et 100 qui mesure la glycémie relative des aliments, c’est à dire la quantité de sucre – en l’occurrence de glucose – qui se retrouve dans le sang dans les deux premières heures après ingestion. Par définition l’indice glycémique du glucose est donc de 100.
- Pourquoi est-il important et pertinent de s’intéresser à l’indice glycémique ? La réponse glycémique des aliments a un impact sur la santé. Bien connu et surveillé des personnes diabétiques, ce phénomène explique des symptômes physiologiques comme les coups de fatigue après les repas ou les fringales. En effet, plus un aliment a un indice glycémique bas, plus son apport calorique sera réparti dans le temps avec une arrivée ralentie du sucre dans le sang. L’effet de satiété sera plus durable. L’indice glycémique est donc un indicateur de qualité nutritionnelle d’un aliment.
- Quel lien y-a-t-il entre les pains et cette petite étude ? Le pain est souvent considéré comme un aliment apportant beaucoup de sucres. De fait, c’est un des vecteurs majeur d’apport de glucides (sucres complexes composés de chaînes de sucres simples, dont le glucose). Mais – car il y a un mais – la qualité nutritionnelle varie énormément entre les pains. Ainsi l’indice glycémique d’une baguette industrielle est plus élevé que celui d’un pain semi-complet au levain. Et nous avions envie de creuser plus en détail les variables qui influent sur l’indice glycémique.
- À quelles questions voulions-nous répondre ?
- Quel est l’indice glycémique de nos pains ? (notamment au regard de celui d’une baguette blanche industrielle, qui est de 90)
- Est-ce que le type de mouture influe sur l’indice glycémique ?
- Est-ce que le procédé de fabrication influe sur l’indice glycémique ?
- Si oui, est-il prépondérant par rapport au taux de raffinage de la farine (farine complète/farine blanche) ?
- Est-ce que l’indice glycémique varie selon le type de blé ?
Quand nos pains voyagent en Colissimo vers la Bretagne
Tous nos pains sont sortis du four et ont eu le temps de refroidir. Le soir même, empaquetés avec soin, ils sont déposés à la Poste de Saint-Bruno, à deux pas de la boulangerie. Acheminés le lendemain pour la Bretagne, ils arriveront le mercredi matin sur les paillasses du laboratoire AgroBio à Rennes.
Au total, ce sont six échantillons qui sont partis :
- Deux pains tests Longue Fermentation de Gilles avec pour l’un de la farine T80 de notre meunier habituel (Moulin Pichard). Pour l’autre, c’est de la farine du Trièves, moulue sur meule de pierre par Sylvain, qui a été utilisée.
- Un pain test au Levain de Blé Concassé de Lauriane avec la farine T80 de Sylvain.
- Un Pain de campagne nature et un Pain complet de notre gamme habituelle (farines T80 et T150 du Moulin Pichard).
- Un pain de Petit Épeautre de notre gamme habituelle (farine de meule de pierre, Forest).
Et le numéro gagnant est le…
Type de pain analysé | Indice glycémique |
Pain longue fermentation – Farine T80 Pichard | 45,1 |
Pain longue fermentation – Farine T80 Trièves | 38,4 |
Levain de blé concassé – Farine T80 Trièves | 32,5 |
Pain de campagne nature – Farine T80 Pichard | 44,1 |
Pain complet – Farine T150 Pichard | 34 |
Petit Épeautre – Farine T80 Forest | 32,6 |
Premier constat : tous nos pains ont un indice glycémique considéré comme bas c’est à dire avec une valeur inférieure à 50.
Ainsi les résultats sont en concordance avec le fait que l’indice glycémique augmente avec le raffinage de la farine. Plus la farine est complète, plus l’indice glycémique est bas. Les pains avec une farine plus complète, comme le petit épeautre, le pain de campagne, le pain complet et le Trièves ont un indice bas.
Autre constat : les procédés de fabrication testés semblent ne pas avoir d’influence tant qu’ils restent des procédés de fermentation au levain. Les trois procédés tests que nous avons expérimentés n’apportent pas de différence de variation de l’indice glycémique.
Enfin, la mouture de la farine semble avoir une influence, notamment celle sur meule de pierre qui est corrélée à un indice glycémique bas.
Ces constats ne sont que des hypothèses : nous avons travaillé dans des conditions qui ne sont pas celles d’un laboratoire classique, où l’on peut maitriser davantage les conditions de production.
Par rapport aux autres pains du commerce, comme les baguettes, où se situe t-on ?
Les mesures du laboratoire ont été établies en référence à la table de Foster-Powell [PDF] qui répertorie l’indice glycémique d’un très grand panel d’aliments. Ainsi, comme nous le disions plus haut, une baguette blanche industrielle aura un indice de 90.
Les valeurs de 32 que nous obtenons pour le petit épeautre ou le pain au levain de blé concassé, appelé Trièves, sont donc significativement basses. En effet, plus l’indice glycémique est haut, plus la qualité nutritionnelle du pain est réduite.
L’amélioration de la qualité nutritionnelle de nos pains nous tient à cœur. Ces résultats nous confortent dans notre démarche de production de pains de qualité, que ce soit sur les plans de la santé, de l’environnement ou de l’humain.
Cette étude a été initiée à la toute fin de l’année 2018 par Lauriane Mietton et Gilles Christin. Lauriane a quitté le Pain des Cairns à l’automne 2019, pour rejoindre l’INRAE – Centre Occitanie-Montpellier. Elle y mène une étude baptisée Projet Pain Mouture et Microbiote.