
Le prix du chocolat augmente vertigineusement, la noix de coco pousse définitivement trop loin de Saint Bruno, les petits trésors locaux nous font de l’œil. Tous ces clignotants ouvrent l’année 2025 en grande pompe ! Et nous et vous et nous ? Et bien, on fait ce qu’on aime faire au Pain des Cairns : on met les sujets sur le tour, on façonne, on analyse, on synthétise, on se positionne, et on agit. Attention, ouverture du dossier « Sur la sellette » !
La flambée du chocolat
Avant de parler de choses sérieuses (âmes gourmandes et sensibles s’abstenir), commençons cet article par un hommage. Il est décerné aux Mayas, qui, entre autres magnifiques avancées, ont été les premiers à cultiver le cacaoyer dès le VIe siècle. Originaire d’Amérique du Sud, le cacao est désormais cultivé sur ce même continent ainsi qu’en Afrique où l’on trouve la plus grosse production actuelle. La Côte d’Ivoire représente à elle toute seule 40% de la production mondiale ! Le chocolat nous régale depuis des années au Pain des Cairns. Cookies, brioches, rococos pépites, petits pains ou bien pitchouns double barre qui partent à toute vitesse. Mais aussi chocolats en vrac pour les fêtes de Pâques ou Noël. Et pourtant, même si nous raffolons de notre chocolat noir et amer, ça commence à grincer sous la dent. Pourquoi ? La première réponse basique est aussi simple qu’implacable : money money money !


Que représente le chocolat dans notre production ?
Sur l’année 2024, le Pain des Cairns a consommé environ 1.2T de chocolat.
Quand arrive l’heure des bilans financiers, on commence à regarder la situation d’un peu plus près et se poser des questions… car
depuis novembre 2024 le prix du chocolat HT est passé de 9.5 € à 14,2€
et va potentiellement encore augmenter.
On vous laisse faire le petit calcul de l’augmentation de ce poste ! Durant l’automne dernier, afin de maintenir nos prix, nous avons changé de fournisseur : le chocolat 60% de cacao de chez Kaoka, biologique et issu du commerce équitable (Fairforlife) est un mélange de fèves de cacao d’origine Amérique du Sud (Equateur, République dominicaine, Pérou, Brésil) et d’Afrique (Ghana, Sao Tomé). Ce cacao est ensuite transformé en chocolat en France.


Si Kaoka nous propose des prix inférieurs à notre ancien fournisseur, il est évidemment lui même impacté et explique cette augmentation générale des prix ainsi : 2024 marque la troisième année consécutive de mauvaises récoltes dans les principaux pays producteurs (Côte d’Ivoire et Ghana). Ces mauvaises récoltes liées aux conditions climatiques défavorables des dernières années sont accentuées par le dérèglement climatique. Ce qui, on le sait, ne va pas aller en s’arrangeant. Si nos propres lots de chocolat proviennent du Pérou, l’impact sur le prix de cette matière première est global.
Le manque de cacao sur le marché mondial est d’environ 423 000 tonnes
(8% de la production mondiale actuelle).
Interdépendance logique. Kaoka fonctionne avec des marges limitées, ce qui le rend plus sensible aux fortes augmentations du coût des matières premières comme c’est le cas en ce moment. Et tout au bout de la chaine, il y a nous et vous, qui subissons à notre tour cette augmentation de prix. Que faire face à cette situation ?
L’heure des choix
La réflexion financière que cela engendre pour nous amène une réflexion plus grande. On sait que la culture du chocolat et sa commercialisation ont un impact environnemental très fort. Déjà, il faut pas moins de 3 400 litres d’eau pour obtenir 200 grammes de chocolat… Ensuite, l’exploitation des cacaoyers encourage la déforestation car elle nécessite de larges surfaces de terrain. On estime qu’ils couvrent un total de 12 millions d’hectares sur la planète. Le WWF affirme par exemple que 70 % de la déforestation illégale de la Côte d’Ivoire est liée à la culture du cacao. Enfin, ce produit de luxe vient de loin, très loin. Et on ne le fait pas venir sur un beau voilier comme Grain de Sail. Il est transporté en cargo, puis en camion jusqu’à l’entrée des artistes au 54 bis rue abbé Grégoire. Peut-on fermer l’œil longtemps sur ces aspects ?


La coco aussi sur la sellette
Au pain des Cairns, nous cherchons continuellement à avoir une démarche la plus locale possible dans le sourçage de nos matières premières. Pour certains produits, c’est plus simple que pour d’autres. En 2021, nous avions pris la décision de sortir le sésame de nos produits d’inclusion. Cette petite graine originaire d’Inde faisait partie de notre mélange pour le pain de campagne aux graines avec le tournesol et le lin (ces deux derniers étant cultivés en France). Nous avons remplacé le sésame par une graine plus locale, le millet, qui correspondait bien plus à notre éthique du bio et local. Aujourd’hui, nous nous posons clairement la question par rapport à un autre produit : la noix de coco. Elle nous sert pour les rochers cocos nature et pépites (double peine pour ce dernier petit délice !). Nous utilisons 240 kg de noix de coco par an pour cette recette, autant d’impact environnemental dont nous sommes responsables à notre échelle. Mais si la noix de coco est sur la sellette, il nous faut la remplacer. Car nous ne voulons pas appauvrir notre gamme, et c’est même tout le contraire. D’une réflexion liée à une contrainte, nous nous amusons à créer du nouveau !

La créativité du remplacement
Le rocher coco étant la seule douceur dont les personnes intolérantes au gluten peuvent se régaler, le challenge est de taille : comment remplacer un produit par un autre tout autant alléchant, mais qui joue plus adroitement la carte du local ? En ce moment, nous planchons sur de nouveaux petits biscuits sans gluten. La phase d’amélioration de la recette est en cours, et nous nous faisons déjà bien plaisir à jouer aux testeur.ses ! Dans les coulisses, Gabrielle affine une recette à base de farine de riz et de sarrasin, noisettes, amandes et graines de tournesol, abricots secs originaires d’Espagne, psyllium, œufs, sucre, sel et poudre à lever. Ces petits biscuits sans gluten sont aussi sans lactose, un joli atout ! Affaire à suivre que vous découvrirez très bientôt sur les rayons du magasin à côté des rochers cocos.

Dénicher les nouvelles pistes
Pour le chocolat, c’est une autre affaire qui pose beaucoup de questions ! Réduire la quantité de cette inclusion dans nos produits pour maintenir le prix ? Supprimer certains produits contenant du chocolat pour les remplacer par un autre produit gourmand ? Chercher une matière première qui peut jouer un rôle de substitution tel que la caroube ? La caroube, fruit du caroubier, pousse dans les zones chaudes du bassin méditerranéen (Espagne, Turquie, Grèce, Sardaigne, Sicile), et a un goût chocolaté marqué. Deux atouts majeurs qui font qu’elle est déjà largement utilisée dans la pâtisserie. On entend aussi de plus en plus parler du Choviva, un substitut au chocolat utilisé en pâtisserie. Ce mélange de graines de tournesol torréfiées et de pépins de raisin est évidemment un super-écolo dans la famille des prétendants. A tester…
Les recettes glanées ou inventées ici et là
Et puis, tout simplement, nous regardons aussi avec plus d’attention les noix, qui tombent à nos pieds chaque automne. Elles sont en ce moment le cœur d’un nouveau petit sablé bien sympathique qui pourrait venir répondre à une baisse de production de produits au chocolat. Il y a aussi les biscuits norvégiens épicés, basés sur du sirop d’agave, des oranges confites et des amandes dont la production continue durant l’hiver. Bref, autant de petits produits qui petit à petit peuvent nous faire tourner la tête. Ou en tout cas la détourner des produits jugés jusqu’à présents incontournables, notre cookie noix-chocolat en première ligne !



En secret, certain.es BV se sont aussi attelé.es à la confection de brioches aux pralines. On teste, on goûte, on reteste parce qu’on a trop envie de regoûter. Et promis, un jour vous y aurez droit ! Bref, voilà les pistes qui occupent nos échanges en ce moment, et sont excuses à de jolies dégustations en interne ! Voilà surtout comment une contrainte devient un cadeau pour rester créatif.ves et vigilant.es sur notre éthique et la qualité de nos produits. Une chance qu’on se donne.
Le jeu du local
Notre réflexion sur le local et notre volonté de ne jamais cesser de nous repositionner nous mène aussi sur des réflexions liées aux farines. Notre plus gros fournisseur de farine vient de Sisteron : Moulin Pichard est une minoterie qui fait sa farine à partir de blés du sud de la France, exceptionnellement complétés par des blés du nord de l’Italie. Nous travaillons aussi avec le Moulin du Vieux Chêne dans le Trièves (38) pour des farines plus rustiques, avec la ferme Bouteille à Menglon (05) pour des farines plus spécifiques comme le petit épeautre, le khorasan ou le sarrasin.


Mais les dernières années, nous avons accompagné un ancien boulanger de notre équipe, Guilherme Bellardi, qui avait le projet de monter sa propre exploitation. Gui a été soutenu par l’association Terre de Liens qui a permis une transmission en douceur de l’exploitation existante (passation avec les anciens exploitants, apport technique, matériel, insertion dans le travail aux champs au fil des mois). Après deux années de travail acharné, Gui a enfin démarré son projet à la ferme des Places au printemps 2024.
S’engager
La ferme de 65 hectares est située en Drôme, dans la zone de Chabeuil. Elle est un petit modèle d’exploitation vertueuse. Gui produit des blés de population (rouge de Bordeaux entre autres variétés mélangées sur les mêmes terres) ainsi que du seigle en rotation avec des légumineuses et du maïs. Il utilise un petit moulin Astrier. Le son qui est rejeté lors de l’étape de meunerie est récupéré par une usine locale pour de la farine animale. Gui est en constant échange avec d’autres agriculteurs bio du coin : le gros matériel, les bras, les idées sont partagés. A son dernier passage au Pain des Cairns en janvier, il nous a dit « Je me suis rencontré dans ce métier ! ».


Nous, face à cette passion sans faille, face à ce travail titanesque, nous avons une seule envie : être présents dans cette aventure ! Alors comment faire au mieux pour soutenir ce projet local ? Tout d’abord, nous nous engageons à lui commander un certains volume de farine (6500 kg/an au prix de 1,30 €/kilo). Et puis nous travaillons à la création d’un pain qui mettrait à l’honneur son travail et son éthique. Les tests sont en cours. On tente des mélanges blé-sarrasin, blé-maïs, ainsi que pur blé. On tente en parallèle un nouveau processus de fabrication pour sublimer sa farine. « Le pain de Gui » sera assurément un pain original, doux et rustique à la fois. Un pain qui nous fait partir dans la Drôme, un pain qui nous fait penser à ce compagnon de boulange au grand cœur ! Tout bientôt, nous serons fiers de vous proposer ce nouveau pain dans notre vitrine !
Nous avons besoin de vous !
Bouclons la boucle et revenons à nos Mayas, et surtout au cacao dont l’utilisation sous forme de chocolat nous interroge aujourd’hui. Évidemment il n’est pas question d’arrêter tous les produits au chocolat de notre gamme. Mais la réflexion nous semble indispensable. Au Pain des Cairns, chacun.e a sa petite idée sur le sujet. Mais ce sont vous les premier.e.s consommateur.ice.s ! Alors nous avons bien envie de vous inclure dans ce questionnement : par curiosité, quels produits au chocolat préférez-vous ? N’hésitez pas à venir en parler avec nous au magasin. Nous voulons être transparents, peut-être que le prix des produits comprenant du chocolat va augmenter prochainement … à travers cet article vous comprendrez un peu plus le pourquoi.
En attendant, vivement le prochain café gourmand du mercredi après-midi, option pitchoun double barre ou brioche pépites !
